Saint Antoine est un personnage extradiégétique, extérieur au temps de la fiction. Il ne joue aucun rôle dans la structure dramatique du roman. L’auteur de Thaïs l’utilise pour compléter le portrait des personnages principaux. Il s’appuie sur la narration postérieure et le flash-back pour raconter les faits de ce saint. Avant de terminer son roman, France a révoqué saint Antoine qui était sur le point de mourir. Il a poussé Zozime, personnage secondaire, à déclarer à Paphnuce que le père spirituel de tous les moines, « âgé de cent-cinq ans, et averti de sa fin prochaine, descend du mont de Colzin où il s’était retiré et vient bénir les innombrables enfants de son âme ». Pour cela, les pères du désert, qu’ils soient anciens ou récents, ont décidé d’aller en recevoir la bénédiction. Ceci a permis à France de présenter une scène exprimant la place qu’occupait Antoine. Les pères qui étaient venus le voir, étaient si nombreux ; ils ressemblaient « aux murailles vivantes de la cité de Dieu ». Ceci nous révèle deux choses : la bonne santé des pères du désert et leur don de prévoir la date de leur décès. Il est évident que la vie au désert est non seulement profitable à l’âme, mais aussi au corps. C’est pourquoi, Antoine restait si fort qu’il n’a jamais été frappé de maladie jusqu’à sa mort. Malgré sa vieillesse, il avait des yeux intacts et voyait clairement. L’auteur n’a présenté ni les éléments, ni les détails qui révèlent le portrait d’Antoine, échouant ainsi à le rendre toujours présent à l’esprit de ses lecteurs. Avec ce personnage, France nous semble un chroniqueur plutôt qu’un romancier. Il s’est essentiellement appuyé sur les dires de ce moine qui n’avait pas de rôle utile à l’action. Bien que saint Antoine soit un personnage décoratif, il possède une signification particulière : il symbolise l’ascétisme. L’auteur a fait de lui, le modèle opposé de Paphnuce, le fanatique, pour pouvoir exprimer son message. Il l’a utilisé à la fin de son roman, pour résoudre l’intrigue. C’est Antoine qui a annoncé le paradis à Thaïs et l’enfer à l’abbé d’Antinoé. Toutefois, avant de clore le roman, France a esquissé un aspect du portrait d’Antoine : « Il marchait à pas lents, mais sa taille était droite encore et l’on sentait en lui les restes d’une force surhumaine. Sa barbe blanche s’étalait sur sa large poitrine, son crâne poli jetait des rayons de lumière comme le front de Moïse. Ses yeux avaient le regard de l’aigle ; le sourire de l’enfant brillait sur ses joues rondes ». Ainsi Antoine paraît si saint que l’auteur le compare à Moïse. C’est lui qui a soutenu les premiers chrétiens. France nous fait entendre la voix d’Antoine : il affirmait aux assistants que Dieu avait accepté leur pénitence parce qu’ils étaient sans cesse avides de miséricorde divine, surtout Thaïs dont le cœur était plein d’amour, de crainte et de foi. Saint Antoine a également pu prononcer la fin tragique de Paphnuce, orgueilleux et sceptique. France est influencée par une représentation, en 1888, de La Tentation de saint Antoine de Flaubert. Cette pièce a abordé Antoine, le copte, qui n’avait ni de haute culture, ni de raffinement sensuel. Il a particulièrement mis l’accent sur ses hallucinations, le poussant à dialoguer avec le diable. Saint Antoine qui a fondé les premiers ermitages, s’avère un personnage réel. Son couvent se trouve encore en Egypte. Cependant, France a présenté ce saint d’une manière superficielle, accordant toute son attention à Paphnuce et à Thaïs, les principaux héros du roman.